– Le pont de Sainte Catherine
– Les quatre Barrières
Texte écrit en collaboration avec Stéphane Jonot, directeur du Mémorial de Montormel
Ce mercredi 16 août, le temps est clair et chaud. En fin d’après-midi le général Kitching, commandant la 4e division blindée canadienne, donne l’ordre à la 10e brigade d’infanterie de sécuriser les passages de l’Ante à Damblainville afin de permettre à la 4e brigade blindée de se porter sur Trun.
C’est à l’escadron C du South Alberta (régiment de reconnaissance de la 4e DB), commandé par le major Currie qui remportera quelques jours plus tard une Victoria Cross [1] à Saint Lambert sur Dive, accompagné de l’infanterie du Argyll and Sutherland Highlanders of Canada, que revient la mission de s’emparer de Damblainville.
Partis d’Olendon et se déplaçant de nuit, ils arrivent à l’aube du 17 août sur les collines des Monts d’Eraines qui surplombent la commune de Damblainville au Nord. À part un char allemand faisant des allers-retours dans la rue principale et la présence de quelques snipers, la commune n’est pas défendue.
1 La plus haute distinction britannique et la seule que les canadiens remportent pendant la bataille de Normandie
À 8h30 le groupe renforcé de l’escadron A pénètre dans le village. Le char allemand est mis hors de combat sans que l’on ait de précision sur les circonstances exactes.
À 10h l’objectif est nettoyé et le pont capturé.
À midi, The Algonquin régiment passe au travers des positions du Argyll pour s’emparer des hauteurs situées au sud de la localité. Et du lieu-dit des Quatre-Barrières. Ils sont appuyés par les chars des escadrons A et C du South Alberta. Ils sont d’abord stoppés sur la 1ère voie de chemin de fer, celle de Falaise. Ils envoient en avant un groupe de reconnaissance, après que celui-ci ait franchi le pont sur la Traîne, ils reçoivent un tapis d’obus de mortier et sont soumis à un feu intense de mitrailleuses.
Le reste de l’unité les rejoint ainsi que les chars et prennent position le long du talus de chemin de fer. La troop du lieutenant Don Stewart’s du C escadron se trouve alors dans le verger jouxtant le talus de chemins de fer. À la demande de Currie, elle reçoit pour mission d’aller chercher un soldat de l’Algonquin blessé sur le versant opposé du talus de chemin de fer à la droite du passage souterrain du pont de Sainte Catherine.
Après avoir franchi le passage accompagné par le char du caporal Mc’Rae, un troisième blindé restant à la sortie du tunnel pour les couvrir, le lieutenant Stewart se porte au pied du talus. Il descend chercher le blessé avec deux de ses hommes et le mettent sur la plage arrière du char.
Ils repartent. Au même moment, l’Unterscharführer [1] Alfred Schulz de la 12ème SS Hitlerjugend voit trois chars et ouvre le feu avec son Jagdpanzer IV [2].
Alors qu’il passe devant le char du caporal Mc’Rae, le lieutenant Stewart, dont la tête dépasse de la trappe de tourelle, sent ce qu’il décrit comme « une serviette chaude et humide lui frappant le visage » [3]. C’est le souffle de l’obus perforant qui va frapper le char du caporal Mc’Rae qui s’enflamme instantanément.
Trois hommes réussissent à s’extraire du char mais le caporal Johnny Mc’Rae, 28 ans, ainsi que son pilote, le trooper [4] Edward Grant, 25 ans, restent dans le char. Le caporal Schulz, à cause de la fumée, ne peut voir le résultat de son tir et devient rapidement la cible du lieutenant Stewart et du 3ème char canadien. Dans la précipitation, le blindé du caporal Schulz recule, sans ménagement pour le moteur, qui rend l’âme. Le lieutenant Stewart et le 3ème char se replient en « sécurité » derrière le talus.
Les canadiens écrasent alors les positions allemandes avec l’artillerie pour permettre aux chars du British Columbia Régiment ainsi qu’à l’infanterie motorisée du Lake Superior Régiment de reprendre la progression. Ceux-ci sont tenus en échec par les allemands.
Face à la Résistance sans faille de l’ennemi, le Major-général Kitching décide, en cette fin d’après-midi du 17 août, de diriger ses unités vers l’est pour franchir l’Ante à Couliboeuf.
Commence alors une manœuvre remarquablement menée, impliquant un grand nombre de véhicules et qui prend de vitesse la défense allemande.
En début de soirée les chars du Grenadier Guards sont aux portes de Trun, la fermeture de la poche de Falaise-Chambois est imminente.
1 Caporal dans la waffen SS
2 Chasseur de char destiné principalement à la lutte antichar
3 Journaux de marches de canadiens
4 Simple soldat
Major-général George Kitching

Extrait du site du Centre Juno Beach
https://www.junobeach.org/fr/canada-in-wwii/articles/major-general-george-kitching-2/
« George Kitching, né à Canton (Chine) en 1910, décédé en 1999.
Officier de l’Armée canadienne.
Pendant l’entre-deux-guerres, Kitching reçoit la formation militaire du Royal Military College de Sandhurst, en Angleterre. Il sert ensuite dans l’Armée britannique.
Kitching joint l’Armée canadienne en 1939 et il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie militaire. Il est officier d’état-major général, classe 1 à la 1ère Division d’infanterie canadienne du 14 décembre 1942 au 30 octobre 1943. En Italie, il est muté à la 5ème Division blindée canadienne où, le 1er novembre 1943, il reçoit le commandement de la 11e Brigade d’infanterie. Il participe alors à l’offensive d’Ortona.
En février 1944, le lieutenant-général Guy Simonds nomme Kitching commandant de la 4e Division blindée canadienne. Rattachée au 2e Corps canadien, la 4e Division blindée gagne la Normandie à la fin de juillet 1944, après la consolidation de la tête de pont, pour y remplacer la 3e Division d’infanterie.
Sous les ordres de Kitching, la 4e Division blindée participe aux opérations Totalize (7-10 août 1944) et Tractable (14-16 août 1944), puis à la fermeture de la brèche de Falaise (17-21 août 1944). Critiqué pour la lenteur des blindés canadiens à effectuer la jonction avec les troupes américaines et fermer ainsi le passage à l’ennemi, Kitching est relevé de son commandement. Le 12 novembre 1944, il est nommé brigadier à l’état-major général du 1er Corps canadien.
George Kitching demeure à l’état-major canadien après la fin des hostilités. Ses mémoires, intitulées Mud and Green Fields, sont publiées en 1986. »
David Vivian Currie
Extrait du site du gouvernement du Canada
https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/services/medailles/recipiendaires-croix-victoria/david-vivian-currie.html
« Comme l’indique l’extrait suivant du London Gazette, David Vivian Currie est récipiendaire de la Croix de Victoria. Cette médaille est décernée pour un acte de bravoure remarquable, un acte de vaillance ou d’abnégation audacieux ou extraordinaire, ou un dévouement extrême au devoir face à l’ennemi.
David Vivian Currie naît à Sutherland, en Saskatchewan, le 8 juillet 1912. Avant la Seconde Guerre mondiale, il est membre d’une unité de la milice basée à Moose Jaw, en Saskatchewan. Durant la campagne en France qui suit le débarquement de Normandie, le 6 juin 1944, le Major Currie sert dans le 29e Régiment de reconnaissance blindé (The South Alberta Regiment).
Le Major Currie a obtenu la Croix de Victoria pour les faits d’armes accomplis le 18 août 1944 en vue de capturer et de tenir le village de Saint-Lambert-sur-Dives, durant la bataille visant à bloquer la voie d’évasion d’importantes forces allemandes isolées dans la poche de Falaise. À la tête d’une petite formation composée de chars, de soldats d’infanterie et de canons antichars, mais sans l’appui de l’artillerie de campagne, il organise une attaque du village et réussit à s’emparer d’une position située à mi-chemin à l’intérieur de l’agglomération et à la renforcer.
Pendant 36 heures, les hommes du Major Currie contrecarrent à plusieurs reprises les tentatives de l’infanterie et des chars allemands pour se frayer un passage dans le village en contre-attaquant les Canadiens. Finalement, le Major Currie et ses hommes reprennent l’attaque et chassent l’ennemi de Saint-Lambert-sur-Dives, confirmant ainsi la prise du village. Les hommes du Major Currie causent la perte de 800 soldats allemands et font 2 100 prisonniers.
Le Major Currie s’éteint à Ottawa, en Ontario, le 24 juin 1986. »
London Gazette, no 36812, le 27 novembre 1944:
“En Normandie, le 18 août 1944, le Major Currie commande une petite force mixte, composée de chars d’assaut, de canons antichars automoteurs et de troupes d’infanterie, à qui on a ordonné de couper une des principales voies d’évasion de la poche de Falaise.
Cette force est retenue par une solide résistance ennemie dans le village de Saint-Lambert-sur-Dives, et deux de ses chars sont démolis par des canons de 88 mm. À la tombée du jour, seul et à pied, le Major Currie entre immédiatement dans le village en passant par les avant-postes ennemis, pour faire une reconnaissance des défenses allemandes et dégager les équipages des chars en détresse. Il réussit l’opération malgré un lourd tir de mortier.
Tôt le lendemain matin, sans avoir effectué auparavant un bombardement d’artillerie, le Major Currie dirige personnellement une attaque sur le village malgré une opposition féroce menée par les chars, les canons et l’infanterie des forces ennemies. À midi, il a réussi à saisir et à consolider une position à mi-chemin à l’intérieur du village.
Au cours des 36 heures qui suivent, les Allemands contre-attaquent la force canadienne à maintes reprises, mais le Major Currie a si habilement organisé sa position défensive que ces attaques sont repoussées, occasionnant de graves pertes chez l’ennemi, après de violents combats.
Le 20 août, au crépuscule, les Allemands tentent un assaut final contre les positions canadiennes, mais la troupe assaillante est mise en déroute avant même de pouvoir être déployée. Sept chars ennemis, 12 canons de 88 mm et 40 véhicules sont détruits, 300 Allemands sont tués, 500 blessés et 2 100 faits prisonniers. Ensuite, le Major Currie ordonne rapidement une attaque et achève la capture du village, obstruant ainsi la voie d’évasion Chambois-Trun aux forces restantes des deux armées allemandes isolées dans la poche de Falaise.
Pendant toutes ces journées et ces nuits de combat féroce, le courage et le mépris du danger dont le Major Currie fait preuve servant d’exemple magnifique à tous les hommes de la troupe qu’il commande.
À une occasion, il dirige personnellement le feu de son char de commandement sur un char Tiger qui harcèle sa position et il réussit à le démolir. Au cours d’une autre attaque, pendant que les canons de son char de commandement s’attaquent à d’autres cibles plus éloignées, il se sert d’une carabine pour se débarrasser de tireurs isolés qui ont réussi à s’approcher à moins de 50 verges de son quartier général. La seule fois où des renforts parviennent à se rendre jusqu’à ses forces, c’est lui qui fait avancer les 40 hommes vers leurs positions et leur explique l’importance de leur tâche dans le cadre de la défense. Lorsque, pendant l’attaque suivante, ces nouveaux renforts reculent sous le feu nourri de l’ennemi, il les regroupe lui-même et les met de nouveau en position où, inspirés par ses qualités de chef, ils résistent jusqu’à la fin de la bataille. Sa façon d’employer l’artillerie, qui devient disponible après le début de son attaque originale, est typique de son calme calcul des risques dans n’importe quelle situation. À un moment donné, malgré le fait que des cartouches courtes tombent à moins de 15 verges de son propre char, il ordonne à l’artillerie moyenne de continuer à faire feu en raison de son effet dévastateur sur l’ennemi dans sa zone immédiate.
Durant toutes les opérations, les troupes du Major Currie subissent un grand nombre de pertes de vies humaines. Cependant, il n’envisage jamais la possibilité d’échouer et ne permet jamais qu’elle effleure ses hommes. D’après l’un de ses sous-officiers, « nous étions conscients qu’il s’agissait d’une lutte à finir, mais le major était si calme devant la situation qu’il nous était impossible de nous énerver ». Tous les officiers sous son commandement étant morts ou blessés au combat, le Major Currie n’a pratiquement aucun répit et ne réussit, en fait, à prendre qu’une heure de sommeil durant toute cette période. Néanmoins, il ne laisse jamais paraître sa fatigue à ses troupes et il saisit toutes les occasions possibles de se rendre aux fosses à armes et aux autres positions défensives pour s’entretenir avec ses hommes, les conseiller sur la meilleure façon d’utiliser leurs armes et les encourager. Lorsque ses troupes obtiennent enfin du secours et qu’il est satisfait de sa mission, il s’endort debout, puis tombe d’épuisement.
Il ne fait aucun doute que la réussite de cette attaque et de la résistance contre l’ennemi, à Saint-Lambert-sur-Dives, peut largement être attribuée au sang-froid de cet officier, à ses grandes qualités de chef et à sa façon d’utiliser habilement le peu d’armes dont il disposait.
Le courage et le sens du devoir dont le Major Currie a fait preuve durant une longue période de combat intense ont été exceptionnels et ils ont eu un effet d’une grande portée sur la réussite de la bataille. »
Petite histoire de la voix de chemin de Fer de Morteaux-Couliboeuf

Le 21 juin 1846, le tronçon de Mézidon à Argentan, passant par Morteaux-Couliboeuf, est déclaré d’utilité publique.
Le tronçon de 228km de long est mis en service dans sa totalité le 1er février 1859: 1855-1857 pour le tronçon de Caen à Mézidon sur la ligne de Paris à Cherbourg, mars 1856 pour le tronçon du Mans à Alençon, 1858 pour les tronçons d’Alençon à Argentan et du Mans à Tours, 1er février 1859 pour le tronçon d’Argentan à Mézidon.
Tenue, pour la partie de Caen au Mans, par les Chemins de fer de l’Ouest, la ligne compte, dans le Calvados 7 gares et arrêts : Frénouville-Cagny, Moult-Argences, Mézidon, Saint-Pierre-sur-Dives, Vendeuvre-Jort, Couliboeuf, Fresné-la-Mère.
Cette ligne permet de raccorder Paris à Cherbourg (depuis Mézidon), Caen à Rouen (depuis Mézidon), Mézidon à Trouville-Deauville (depuis Mézidon), Couliboeuf à Falaise, Paris à Granville (depuis Argentan).
La ligne Couliboeuf-Falaise est une antenne de la ligne Le Mans-Mézidon desservant Falaise en cul de sac et fait seulement 8 kilomètres. Déclarée d’utilité publique en 1852 elle fut mise en service le 1er novembre 1859 et fut fermée aux voyageurs en 1953 avant d’être déclassée intégralement en 1993
Ouvrages consultés par Stéphane Jonot :
South Albertas Un régiment canadien en guerre, Donald E. Grave
Journal de marche du South Alberta Regiment
Journal de marche du Argyll and Sutherland Highlanders Regiment
Journal de marche du Régiment Algonquin
Liens des sites internet référence :