Robert A. Cranmer : A la mémoire d’un aviateur américain tué en 44

Cranmer Little Rebel

Le 14 août 44, le Capitaine Cranmer décolla du terrain situé sur la commune de Neuilly-la-Forêt près d’Isigny-sur-Mer pour une mission de bombardement et de mitraillage sur les concentrations de troupes allemandes signalées dans l’Eure.
A 12 h 15, Robert Cranmer annonçait aux autres membres de son escadrille qu’il avait repéré des véhicules au sol aux environs de Morteaux-Coulibœuf. Son chef d’escadrille l’autorisa à descendre.
Hélas, la D.C.A était au rendez-vous. Atteint par une rafale d’arme automatique, l’appareil monte en chandelle à l’orée du Bois et stoppe en l’air. Des flammes surgissent de la pointe du cockpit; l’avion bascule sur l’aile gauche et disparaît à l’Est du bois. Le crash n’est pas visible. Il est seulement signalé par des flammes dont la hauteur est supérieure aux grands peupliers du bord de la Dives.
Ses camarades de vol purent voir son avion s’embraser et s’écraser au  lieu-dit Cantepie sur la Commune de Morteaux.  Il pilotait un avion P 38 type d’appareil identique à celui de  Saint-Exupéry disparu un mois auparavant.

Le Capitaine Cranmer était engagé volontaire comme sergent instructeur. Il est nommé lieutenant en juillet 1941 pour être proposé premier lieutenant en février 1942. Ayant la capacité d’un capitaine, il fut muté dans l’aviation. Dans cette arme, il remplit la fonction d’officier commandant la 65ème de Mécaniciens. Il reçut également la médaille du Bouquet de Feuille de Chênes en avril 1944.

« Bob » comme il était localement connu de ses nombreux amis, avait été diplômé de l’école secondaire locale en 1938 où il fut un brillant élève aussi bien dans les études qu’en athlétisme, devenant le Major de l’école lorsqu’il devint Senior. Poursuivant sa carrière universitaire, il s’inscrivit à l’Université Brigham Young où il accomplit également de brillantes études.

Le Capitaine Cranmer s’était marié récemment à une jeune américaine ; il avait un fils âgé de six mois au moment du drame : fils qu’il n’avait jamais vu.

Dans un premier temps, il fut inhumé dans un cadre charmant au bord de la rivière. Sa tombe était très bien entretenue par les habitants et fleurie régulièrement. Sur une petite croix de bois était inscrit son nom et son matricule. A proximité se trouvaient  deux autres tombes qui n’ont pu être identifiées.

Le 9 août  1944, un soldat canadien écrivit à sa femme pour lui donner un récit détaillé de la découverte de la tombe. Quelques années plus tard, il fut inhumé au cimetière américain de Saint-James dans la Manche .

A la fin de l’année 2003, le comité qui recherche les aviateurs disparus prend contact avec la municipalité pour qu’une stèle soit érigée à proximité du lieu ; en l’occurrence à proximité du pont de Cantepie pour qu’elle soit visible de la route. La  plaque et son support seront à la charge de la commune.

En  mai 2004, Janett Turner, veuve de Bob Cranmer, et son mari sont venus se recueillir sur les lieux du drame et rencontrer les derniers témoins qui gardent en mémoire l’image de l’avion en flammes. Des images qui continuent à hanter la mémoire des huit témoins encore vivants qui ne veulent pas que le sacrifice du jeune pilote tombe dans l’oubli.

A côté du Maire, Claude de Blanchard, et de nombreux témoins de cette période ont refait un parcours  qui les a menés du lieu du drame où les débris de l’avion ont été retrouvés à la stèle érigée aux abords du pont de Cantepie.

Il ne restait plus à Janett qu’à se rendre au cimetière de Saint-James dans la Manche pour se recueillir pour la première fois sur la tombe où son mari repose.

Un voyage spécial en France...

En 27 juin 2004, à l’issue d’un messe célébrée en l’église de Morteaux-Coulibœuf, une nombreuse assistance s’est retrouvée sur le pont de Cantepie où a été édifiée une stèle en  mémoire du pilote. La cérémonie se déroula en présence des Maires des deux communes, des Conseillers généraux et du Député-Maire de Falaise et de Bryan Brandon, neveu de Bob Cranmer. Thérèse Raymond de l’US Army représentant l’Ambassade des États-Unis et Mr Mora assistant de l’intendant du cimetière de Saint-James  participaient à la manifestation.

L’harmonie de Falaise accompagnait le cortège précédé des porte-drapeaux, des anciens combattants du Calvados et de l’Orne pour se rendre au pied de la stèle.  Avant de se diriger sur les lieux du drame, Bryan Brandon neveu du pilote a été reçu à la salle de réunion pour profiter d’un sympathique petit-déjeuner. D’anciennes photos apportées par les uns et les autres passèrent de main en main.  Un verre de l’amitié a été servi chez Mr Lallier Guy un des témoins de ce drame . Tous se sont retrouvés autour d’un repas servi dans la salle des fêtes de Morteaux-Couliboeuf. L’occasion, pour le Maire d’honorer trois personnes. Une médaille, en hommage au Capitaine fut remise à Bryan Brandon. Deux figures locales ont été également saluées pour leur dévouement et leur travail à la mise en place de la stèle : Joseph Morin et André Palais. Les récipiendaires se sont vus remettre une médaille offerte par l’Ambassade des États-Unis par Thérèse  Raymond et Bryan Brandon.

Extrait du discours prononcé par Mr de Blanchard lors de l’inauguration.
«  Si vous êtes si nombreux aujourd’hui à Cantepie, c’est pour répondre à un devoir de mémoire et pour saluer le dévouement, le sacrifice des combattants Canadiens et Polonais. Le 14 août 1944, un avion du type P 38 s’écrasait dans un champ situé à quelques mètres d’ici. Son pilote Robert A Cranmer âgé de 24 ans a été tué. Il nous appartient aujourd’hui à l’occasion de ce 60éme anniversaire d’honorer la mémoire de ce jeune combattant Américain qui a perdu la vie pour notre liberté. Nous sommes venus aujourd’hui exprimer notre gratitude, merci d’avoir combattu les envahisseurs de notre Pays. Sachez que nous n’oublierons pas ce que vous avez fait pour nous. Nous mesurons l’ampleur de votre sacrifice, le chagrin qu’il a causé à vos parents et à votre épouse. Cette stèle contribuera dans les années à venir, au fil de notre existence comme auprès des générations futures à perpétuer le souvenir et à susciter le respect et la sympathie de nos concitoyens. »

En fin 2004, des recherches sont entreprises  pour retrouver des morceaux de l’avion ; des bombes qui n’ont pas explosées ont été repérées.

En mai 2007, au cours d’un séjour en Normandie, Bryce Cranmer, un des sept enfants de Roger Cranmer fils du pilote est venu se recueillir avec sa femme sur la stèle érigée à la mémoire de son grand-père. Ils se sont rendus sur le lieu du drame. Des représentants de l’A n s a (Association normande du souvenir aérien ) les ont accompagnés.
A l’aide d’un détecteur de métaux, quelques morceaux d’avion ont été déterrés et leur furent remis en souvenir de cette journée.

Nouveau cadeau quelques minutes plus tard quand la commune lui a offert un plateau argenté en mémoire de son grand-père. Ils furent émus en regardant des photos souvenirs des commémorations du soixantième anniversaire du débarquement. Sa grand-mère, qui a été toujours discrète sur l’histoire de son premier mari, était venue sur les plages en début juin 2004.

Bryce Cranmer et son épouse Stacey se recueillent devant la stèle en présence de Jean Claude Clouet

En novembre 2008, le Maire en présence des membres de l’Association du souvenir aérien présidée par Jacques Paris a appelé les services de la sécurité civile de déminage qui ont procédé aux extractions de deux bombes de 500 kg mesurant 1,35 mètre de long. C’est en sortant le moteur de l’avion de Robert Cranmer que les deux bombes ont été retrouvées. Elles étaient restées intactes et bien conservées dans l’eau et la glaise. Pour ce faire, il a fallu la participation des télescopiques de deux entreprises. Ces bombes ont été transportées et stockées à Rouen.